
Personne n’est à l’abri de se retrouver un jour sous emprise émotionnelle et psychologique. Plusieurs facteurs contribuent à s’enliser dans les sables mouvants que sont les relations dysfonctionnelles et le jour où tu te rends compte que tu t’es embourbée, cela peut devenir un véritable tremplin pour accéder à une vie épanouie. Quoiqu’il s’agisse d’un long processus, cette opportunité qui s’offre à toi est une occasion privilégiée à saisir car elle mène à la libération de la souffrance et à la découverte d’une façon de vivre autrement.
L’une des principales causes de cet enlisement est le caractère insidieux des violences invisibles : l’ignorance de l’autre, les silences remplies de lourdeur culpabilisante, les bouderies qui peuvent durer des jours, les remarques dévalorisantes subtiles parsemées par ci et par là, ... Ces comportements qualifiés de passifs-agressifs suractivent alors le doute en toi qui, à son tour, déclenche à outrance ta capacité à te remettre en question. La confusion s’installe progressivement, déchirée entre ton intuition qui alerte que quelque chose ne tourne pas rond et le cerveau rationnel qui n’a pas de preuves concrètes pour se valider.
Un changement négatif qui se fait suffisamment lentement au fil du temps échappe à la conscience et suscite plutôt une adaptation, « engourdie par la quotidienneté ». [1]
Le piège de cette dynamique relationnelle se referme graduellement, tu développes inconsciemment l’habileté à marcher sur des œufs pour éviter de subir cette subtile maltraitance. Cette forme d’oubli de soi, de soumission aura comme effet non pas de t’esquiver de l’attitude de l’autre personne mais plutôt d’affecter peu à peu ta santé psychologique, émotionnelle et même physique. C’est ainsi que tu deviens complice, à ton insu, de ce type de relation. Il faut être 2 pour danser « El tango de la muerte ».
Comme deux aimants, les personnes formant ce genre de couple s’attirent mutuellement non pas pour partager le bonheur d’être ensemble, mais bien pour tenter de combler leur faille respective. Elles tentent, toujours inconsciemment, de résoudre ensemble les traumas relationnels passés et de mettre fin à cette compulsion de répétition.
Ces relations basées sur la peur de perdre l’autre sont inévitablement vouées à l’échec, laissant les 2 partenaires dans un état lamentable et n’ayant toujours pas réussi à outrepasser ce schéma relationnel destructeur. La seule solution pour éviter de reproduire ce scénario catastrophique, s’il n’a pas mené à un meurtre dans les cas les plus extrêmes, c’est de se libérer non pas seulement de l’emprise de l’autre, mais de l’emprise de ton propre état intérieur.
L’emprise, vue sous l’angle de la responsabilisation et non de la victimisation
Emprise exercée par l’autre…
Au début, cela semble trop beau pour être vrai. L’autre personne a les mêmes goûts que toi et elle te « bombarde » d’attention. Toujours présente pour toi, elle accepte toutes tes demandes et rapidement, viennent les grands projets à 2. Après tout, quand l’amour est au rendez-vous, pourquoi attendre?
Cette euphorie qui s’entrelace avec la faille narcissique de ton propre manque d’estime, a créé le mirage que l’autre allait te réparer, te combler et venir te sauver de ta souffrance émotionnelle. Ce dont tu as tant manqué ou que tu espérais tant, l’autre te l’a accordé et c’est alors que tu as projeté cette illusion sur lui.
Puis, lentement mais sûrement, il te retire ce privilège. Te donner de l’attention se transforme en demande d’attention constante causant plutôt de la tension, occupant de façon progressive ton espace vital. Comme ton besoin d’amour est tellement grand, tu n’oses pas refuser et tu laisses franchir tes limites, de peur de perdre la relation.
L’autre emploie l’effet miroir pour ne pas prendre responsabilité. Par exemple, tu lui poses une question et plutôt que de recevoir une réponse, il te retourne la question sans jamais y répondre. Si tu oses exprimer un besoin, plutôt que de se positionner par rapport à ta demande, soit accepter ou refuser, l’autre le retournera contre toi.
Si tu ne connais pas ce mécanisme pervers narcissique qui permet d’éviter d’entrer véritablement en relation, tu seras plus susceptible à tomber dans le panneau et te voilà toi, en train de te vulnérabiliser sans que jamais l’autre ne le fasse. La sphère relationnelle se transforme en terrain de jeu fertile à la manipulation émotionnelle où tu te fragilises.
Je te donne un autre exemple concret pour mieux comprendre. À la maison, tu lui mentionnes que tu ne souhaites pas répondre à ton téléphone lorsqu’il sonne et que tu préfères prendre tes messages quand tu en auras envie. Ton téléphone sonne et voilà qu’il te l’apporte "gentiment", avec le sourire… pour te faire plaisir qu’il te dit. Tordue comme façon de renier tes besoins, n’est-ce pas? Une façon d’agir qui entre en contradiction avec la réalité des relations saines et qui vient semer davantage de confusion dans ton esprit.
Quand tu tenteras d’en parler à ton entourage, qu’y a-t-il de violent dans le fait que l’autre veuille te faire plaisir en t’apportant ton téléphone lorsqu’il sonne? Dernier coup de masse qui te fait t’enfoncer encore plus profond dans ton processus de constante remise en question malsaine, affectant toujours un peu plus à chaque jour, ton estime et ta valeur personnelle. Tu intègres en toi jusqu’au jour où tu te sens tellement confuse que tu doutes de ta propre intégrité psychique. Les conséquences du "gaslighting" sont à l'oeuvre. Ceci n’est qu’un exemple, parmi tant d’autres et qui se répètent jour après jour …
Voilà, expliquée de façon très sommaire, comment il est possible de s’enfoncer dans les sables mouvants des dynamiques relationnelles malsaines.
Un jour, un évènement plus flagrant se produit et déclenche la prise de conscience qui vient te faire sortir de ton engourdissement à la quotidienneté. Tu vois ce qui est, sans filtre illusoire, ni déni. Malgré cet éclair de lucidité, il se peut que s’incruste à cette réalité biologique d’adaptation la persévérance à vouloir tenter d’arranger la situation ce qui maintient la dynamique malsaine.
Certaines femmes arrivent à quitter et d’autres empruntent plutôt la voie de la résignation, n’ayant pas la force de se soustraire à cette dynamique connue et « confortable » qui si elle est rompue, amènera son lot de conséquences forts désagréables qui viendra changer brusquement la trajectoire de leur vie (exemples : rêves qui s’écroulent, fin d’une vie de famille traditionnelle, perte de patrimoine, violence post-séparation qui parfois perdure, …).
Pour elles, quitter est l’équivalent d’abandonner tous leurs rêves. Quitter, c’est abandonner leur enfant intérieur qui est encore présent en elle et qui est toujours en souffrance. C’est comme si elles s’abandonnaient à nouveau en laissant derrière elles l’illusion de la possibilité d’être enfin libérée de leurs blessures et de leurs traumas relationnels passés. Voilà pourquoi il est extrêmement difficile de quitter ce type de relation.
Emprise exercée par soi-même, par les blessures portées…
Pour toi qui a réussi à quitter, tu te retrouves sur le seuil de l’abîme de toutes tes croyances limitantes, rêves brisés et attentes déçues, au bord d’un immense vide rempli de souffrance avec laquelle tu ne sais pas composer. La solitude pèse lourd car l’autre n’y est plus pour s’accaparer cet espace vital en toi. C’est pourquoi tu tentes par tous les moyens de comprendre pourquoi l’autre a agi ainsi, essayant de comprendre ce qui n’est que pure folie. Tu continues d’espérer que l’autre change, tu te questionnes à savoir si tu n’aurais pas abandonné trop vite la relation, tu souhaites peut-être même y retourner…
Rendue au fond du désespoir, tu ne peux que remonter si tu acceptes ce point de rupture où tu dois faire mourir cette ancienne version de toi-même. Accepter que seule toi a la responsabilité de te sauver et que tu ne peux pas sauver l’autre. Accepter la réalité en face, plonger dans ce vide à l’intérieur de toi pour apprendre à y faire la plus belle rencontre de ta vie : TOI!
Et cette rencontre passe non seulement par la compréhension de tout ce qui a pu te mener à vivre une situation pareille, mais également par la libération de l’emprise de tes émotions maintenant aliénées qui au lieu de te guider vers la réponse à tes besoins, te manipulent. Même si tu as eu le courage de te libérer de la relation, tu demeures sous ta propre emprise émotionnelle, prisonnière de toi-même!
La souffrance est une prison. Tu y es à la fois la prisonnière et la gardienne. Dorthy Rowe
La honte te manipule par la peur de t’affirmer. Elle te prive de devenir la personne que tu es vraiment et de vivre une vie épanouie. Maintenir la colère envers l’autre t’empêche de te réapproprier ton pouvoir, soit celui de t’aimer et de choisir en toute circonstances. Elle te manipule en te maintenant dans la peur de montrer ta vulnérabilité à l’autre. Elle te maintient sous emprise pour longtemps en t’isolant des autres, croyant que tu ne vaux pas la peine et que tu ne pourras plus jamais être en relation amoureuse. La culpabilité te retient d’être pleinement toi-même car tu entretiens la peur de déplaire aux autres et d’être rejetée si tu exposes une limite.
Un travail d’introspection sur toi est ce qui libère de cette emprise émotionnelle que tu continues à subir. Tu as la responsabilité de remettre de l’ordre dans ta vie, te libérer de ce venin qui s’est infiltré en toi et reconstruire des fondations non pas basées sur des émotions toxiques telles la honte ou la culpabilité, mais sur la certitude que tu es une bonne personne, que ta vie a de la valeur et que tu mérites d’être heureuse.
Lorsque tu cultives ta relation avec toi-même, l'amour de soi, les pressions extérieures perdent leur influence. Tu ne ressens plus le besoin de te justifier, d'attirer l'attention, de prouver ta valeur ou d’être en relation à tout prix avec les autres. Seule cette relation saine avec toi-même viendra combler cette faille d’estime en toi, ce vide intérieur.
La clé pour te délivrer de cette emprise est de tomber en amour avec toi-même et non pas de tomber en amour avec l’amour. C’est seulement à ce moment-là qu’il te sera possible d’atteindre la maturité émotionnelle et d’envisager des relations saines avec les autres.
Oublie ces contes de fées que tu t’es fait raconter depuis ton enfance et deviens la créatrice d’une vraie histoire d’amour, la tienne. Et peut-être un jour, tu auras l’immense privilège de pouvoir partager cet amour avec quelqu’un d’autre...
[1] Boris Cyrulnik, Le murmure des fantômes, Page 55
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