Points de repères:
Coup de coeur
Hors des sentiers connus
La vie est un merveilleux voyage
KM 85
En début de soirée, je lui avais lancé : « Quand tu sortiras de ta grotte, fais-le moi savoir. » C’était une phrase que je lui disais à l’occasion pour lui faire savoir que j’avais compris qu’il était fâché et qu’il pouvait cesser ses bouderies. Nous en avions déjà parlé plusieurs fois. Il lui arrivait d’exprimer indirectement sa colère par des attitudes dites passives-agressives, mais cela ne durait jamais bien longtemps. Cette fois-ci, cela faisait plus d’une semaine, sans compter certains propos tenus qui m’inquiétaient de plus en plus…
La tension était palpable, l’atmosphère devenait de plus en plus lourde. J’avais hâte au lendemain matin, car il était censé quitter le domicile pour rendre visite à sa famille. Je pourrais enfin prendre du recul, seule, et tenter de réfléchir à ce qui se tramait depuis quelques jours, depuis quelques semaines…
En attendant, j’avais décidé de poursuivre ma lecture, confortablement allongée sur le sofa du salon.
« … je savais que des processus psychologiques étaient en marche et que plusieurs sont plus puissants que l’intention consciente… L’humain est un océan habité par des forces qu’il ne maîtrise pas lui-même… »[1]
Après avoir lu ces lignes, je levai les yeux. Comme un fauve en cage, il tournoyait sur lui-même dans la pièce adjacente, soit la cuisine. À ce moment précis, j’ignorais que l’une des failles par lesquelles il pouvait s’engouffrer en moi venait d’être colmatée. Depuis quelques temps, j’énonçais des limites claires et fermes et, sans le savoir, j’avais refermé sa principale porte d’entrée. Il ne pouvait plus la franchir. Il était complètement désorienté…
« … C’est précisément ce qui se passe en ce moment. Le rejet est justement l’élément le plus dangereux dans la situation… S’il se sent rejeté, il diminuera le rejet ressenti en en prenant le contrôle, soit en rejetant l’autre ou en le dominant… C’est un mécanisme normal et répandu utilisé dans l’enfance. »[2]
Je levai les yeux à nouveau et tournoyant toujours sur lui-même, il s’arrêta d’un seul coup, comme s’il venait d’avoir une idée. C’est alors qu’il s’avança vers moi pour s’asseoir face à moi, la tête baissée. Je sentais que quelque chose clochait, mais je n’arrivais pas à bien cerner la situation. Cette ambiance qui perdurait me déstabilisait, j’étais confuse… Je le regardais, sans rien dire.
Toujours tête baissée, lentement, il prit le temps d’écarter ses jambes, ancrant ses pieds au sol. Il releva la tête, plaça ses coudes sur ses genoux tout en avançant son torse vers moi. Son visage s’assombrit. Il plongea son regard dans le mien. J’attendais avec impatience pour savoir ce qu’il allait me dire.
Son regard changea et devint noir. C’est alors qu’il me menaça. Je n’étais pas figée, mais presque. Jamais il n’avait eu ce genre d’attitude, je ne le reconnaissais plus. L’homme que j’avais connu avait quitté les lieux pour faire place à l’animal blessé, à la bête.
Pourtant, cela faisait une semaine que je m’étais positionné par rapport à l’une de ses demandes, toute banale, soit celle de l’accompagner lors de la visite de sa famille, en lui disant « non », mais ce refus ne lui convenait pas. Régulièrement, il revenait à la charge pour tenter de me convaincre d’y aller avec lui.
Il se leva et s'éloigna. J’étais sidérée, me demandant ce qui venait de se passer. De façon automatique, je poursuivis ma lecture.
« Tuer une personne que nous aimons et que nous allons perdre est la façon ultime de dominer le rejet et, par ricochet, de nous assurer qu’elle nous « appartient ».»[2]
Je cessai ma lecture. Ce qui venait de se passer était irréel pour moi. J’étais rendue au sommet de ce qui était acceptable ou plutôt, tolérable. En plus, j’avais l’impression que se jouait devant moi, la situation décrite dans le livre, soit le rejet vécu par le chef de la tribu, Ringabok.
Mon corps était comme engourdi et je n’arrivais pas à remettre tous les morceaux du casse-tête en place. J'espérais qu’après une bonne nuit de sommeil, je serais en mesure de voir l’image finale de ce « puzzle », que ce cauchemar se terminerait …
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C’est en grimpant le ravin du mont Gros-Morne à Terre-Neuve, Canada, que ce « flash » me revint en mémoire quelques instants… Cette allée rocheuse me donnait l’impression d’être dans le ventre d’une bête qui allait me recracher tout en haut, au sommet.
La montée très abrupte, si l’on prenait le temps de se retourner, récompensait déjà pour les efforts physiques faits en offrant cette vue magnifique.
[1] Page 541, Je suis un chercheur d’or, Guillaume Dulude
[2] Page 547, Je suis un chercheur d’or, Guillaume Dulude
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Ce n’est qu’avec plusieurs semaines de recul, après avoir quitté la relation, que je compris que ce soir-là, il avait l’impression que j’étais en train de lui filer entre les doigts. Ce n'était pas une perte de contrôle mais bien, une tentative de prise de contrôle. L’emprise qui s’était installée insidieusement au sein de notre couple commençait à s’effriter.
Les méthodes qui fonctionnaient auparavant ne fonctionnaient plus… Ces discussions circulaires sans fin, avec des arguments aux allures logiques mais complètement déphasés d’avec la réalité ne suffisaient plus à me faire changer d’idée, pas plus que les bouderies… La menace était donc la prochaine étape « logique », histoire de me faire céder. Le cycle de la violence relationnelle s'accélérait et commençait à se refermer.
Jamais auparavant, à l’exception de notre dernière semaine de vie commune, il n’avait osé me menacer puisqu’il réussissait toujours à arriver à ses fins, à me faire changer d'idée. Au fil du temps, je l’avais autorisé à traverser ma frontière, à franchir mes limites. Je m'oubliais pour lui faire plaisir.
C’est un des facteurs, parmi tant d’autres car ce phénomène est complexe, qui a favorisé la construction de cette dynamique relationnelle malsaine. Sans en être consciente à ce moment-là, en choisissant de me dire oui à moi-même, j’avais changé les règles du jeu installées depuis le début de la relation.
Ne pouvant plus s’infiltrer à travers moi, ne serait-ce que par une mince fissure, il perdait pied, il n’avait plus le contrôle. Il ne pouvait plus tirer sur les ficelles de mon être.
Il se voyait alors démasqué. La toxicité qui s’était installée au sein de notre couple était mise au grand jour, le résultat de ce que nous avions "co-créé". De son côté, depuis ce refus, il avait été déclenché, projeté dans sa blessure de rejet et ça s’intensifiait toujours un peu plus à chaque jour…
Jusqu’où ces forces inconscientes auraient menées, ça, je ne le saurai jamais. Certains contes de fées perdent de leurs pouvoirs magiques au fil du temps, surtout si le prince ou la princesse refuse de reconnaître la réalité de ce qui se trame, refuse de reconnaître les parts d’ombres qui peuvent habiter en chacun de nous.
La seule chose dont je suis certaine, c’est que même si ma tête ne le savait pas à ce moment-là, mon corps me sommait de quitter, cette pulsion instinctive qui a fait en sorte que je m’assure que l’irréparable ne puisse pas se produire.
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Abritée par de petits abris de roches qui protègent du vent, le sommet est rude. Quelques pas plus loin, devant moi se déroule un tapis orange pour faire place à d’autres vues toutes aussi magnifiques les unes que les autres. Jamais je n’avais vu ces petits fruits, des quatre-temps, aussi gros.
J’étais loin de me douter que ces 20 km de randonnée selon ma montre Garmin (16 km selon Parc Canada) allaient être aussi époustouflants et mener sur le bord d’un fjord aussi vertigineux.
Sommet du mont Gros-Morne
KM 105
Si tu es perspicace et que tu as une bonne mémoire, la dernière ligne de mon 1er post (Circuit de l’Abbaye) était annonciatrice de ma prochaine destination…
« Au plaisir de se revoir bientôt pour l’exploration de nouveaux territoires du monde… ou de la psyché humaine… »
L’avais-tu deviné ? Terre-Neuve, Canada !
La lecture du livre « Je suis un chercheur d’or » est un moment gravé à tout jamais dans ma mémoire. Depuis, je me suis donnée comme mission de trouver moi aussi cet or!
Cette journée-là du voyage était grise, venteuse et pluvieuse. J’ai eu droit à un magnifique arc-en-ciel, de bout en bout. C’était la 1re fois que j’avais l’occasion d’en voir un complet. Plusieurs mythes racontent qu’il y aurait à chacune des extrémités, un chaudron rempli de pièces d’or. Je n’ai pas trouvé ce chaudron mais je sais maintenant où chercher et comment faire pour arriver à trouver cet or. C’est en plongeant à l’intérieur de moi que je vais y arriver !
Accompagnée d’un homme, que j’avais rencontré il y avait près de 8 mois et dont le nom signifiait « Or » dans sa langue maternelle, je parcourais cette magnifique province. Deux âmes qui coexistaient et exploraient le monde ensemble.
Hasard ou synchronicité ? Je te laisse en juger.
En ce qui me concerne, je crois aux synchronicités et je suis profondément convaincue qu’iI n’y a jamais de hasard mais que des rencontres.
« Certaines rencontres peuvent être dévastatrices, en un sens négatif ou positif. En balayant tout sur notre passage, ces rencontres exceptionnelles nous arrachent à une version de nous qui ne nous épanouit pas, à une vie de souffrance ou d’ennui.[3] »
J’ai eu cette chance d’entrer en collision avec moi-même avant que cette nouvelle âme soit de passage dans ma vie. Rater ce rendez-vous à l'automne 2021 aurait été de passer à côté de moi-même. « La preuve la plus tangible que je t’ai réellement rencontré est là : je mène différemment la barque de mon existence ! [3]»…Toutes les rencontres ne décoiffent pas autant mais elles sont pour moi toutes aussi précieuses les unes que les autres.
Avant que tu fasses apparition sur mon chemin, je savais ce que je ne voulais plus mais en ta compagnie, j’ai pu préciser ce que je voulais vraiment. Avec toi, j’ai découvert d’autres part de moi qui m’étais encore inconnues et j’ai pu confirmer, entre autres, mes aspirations relationnelles.
« Et ce n’est pas toi qui me l’as appris, mais par toi que je l’ai découvert ; la clé a été notre rencontre. [1]»
Et puisque nos mondes respectifs étaient complètement à l’opposé l’un de l’autre, c’est d’un commun accord qu’à la fin de ce voyage, nous avons décidé de mettre fin à cette relation. Nous avons choisi de préserver les frontières de notre altérité en ne les mélangeant pas davantage car pour arriver à se rejoindre, il aurait fallu se dire non trop souvent à soi-même pour arriver à créer un « nous ».
Je me souviens de cette phrase que tu as dite lors de notre 1re rencontre… « J’ai envie de créer de nouveaux souvenirs. » Non seulement tu fais partie de mes souvenirs mais une mini parcelle de toi habite maintenant en moi.
Tout comme les âmes, les éléments naturels de la planète se rencontrent ou entrent aussi en collision...
« La collision d’anciens continents a mené à leur propulsion en hauteur et à la création des Appalaches et du supercontinent appelé la Pangée ! Il a fallu plus de 400 millions d’années d’érosion pour que ces imposantes montagnes deviennent ce que vous voyez aujourd’hui : un paysage orangé surréel, dépourvu de végétation – l’âme profonde de la Terre. »[4]
C’est avec toi que j’ai eu l’occasion de marcher et d’explorer les Tablelands.
[3] La rencontre, une philosophie – Charles Pépin
[4] Parc Canada – Les Tablelands
Marcher ce sentier de 4 km aller-retour donne l’impression d’être sur une autre planète. Ce sol est pauvre en nutriments. Des métaux comme le chrome, le nickel et le magnésium s’y trouvent en quantité et s’avère toxique pour beaucoup de plante. Seules celles très résistantes et adaptées à de telles conditions parviennent à pousser telle la sarracénie pourpre, plante carnivore, emblème floral de Terre-Neuve-et-Labrador.
Servant de maison pour certains insectes et pour d’autres, de trappes mortelles car ils se noient à l’intérieur de ses feuilles en forme d’urnes, ces derniers se décomposent. La plante se nourrit ensuite de ces résidus qui eux sont riches en nutriments. C’est une relation mutuellement profitable.
Cet endroit me rappelle mon ancien monde… J’aime imaginer que je suis une fleur des Tablelands. Tout comme elle, j’ai grandi dans un milieu dépourvu du support nécessaire pour faire face aux aléas de la vie. Pour survivre, j’ai dû m’adapter à ce milieu que j’ai reproduit en développant des relations « mutuellement profitables ».
Ici, je fais allusion aux bénéfices cachés qui maintiennent dans des relations malsaines, mais qui sont mortelles pour le développement du potentiel d’une personne et incompatible avec une vie pleinement épanouie.
Les évènements de l’automne 2021 ont brûlé la terre sur laquelle j’avais grandi, mais les vents forts glaciaux n’ont pas su jusqu’ici me dépouiller de toutes mes racines, ces forces intérieures qui m’ont été léguées par ma lignée. C’est à partir de ce legs, que j’ai rebâti mes fondations, que je deviendrai la fleur que je suis appelée à devenir. Je ne suis pas qu’une survivante, je suis résiliente.
Sarracénie pourpre
KM 109
À peine plus loin, le sentier Green Gardens (10 km) vaut la peine et peut être fait dans la même journée que celui des Tablelands. Sur des landes serpentines débute la descente jusqu’aux abords du Golfe Saint-Laurent pour profiter de la vue. Le retour se fait en montant, et non pas en
descendant comme à l’habituel avec la plupart des randonnées.
KM 119
Il faut se lever tôt, être en forme et prête à se mouiller les pieds jusqu’au genou pour s’aventurer sur le sentier de Western Brooke Pond. Quoique seulement 12 km soient à parcourir, c’est une journée qui dure 12 heures, incluant du « scrambling » et une balade en bateau dans le fjord pour se rendre au point de départ de la randonnée.
La traversée d'un pré à travers des fleurs roses, appelées "joe pye weed ", qui sont aussi grandes que moi donnent l’impression d’être dans des paysages issus de Jurassic Park. Cette randonnée épique se hisse au sommet de mon palmarès de tous les sentiers parcourus dans ma vie jusqu'à ce jour.
KM 131
En direction vers la péninsule de Bonavista, située juste à côté de la ville champêtre de Trinity qui mérite à elle seule, un arrêt d’au moins 1 journée complète, se situe la Skerwink Trail à Port Rexton, une splendide boucle côtière d’un peu plus de 5 km, considérée comme l'une des plus belles randonnées au Canada.
Vue sur la ville de Trinity à partir de la Skerwink Trail
Dans le même secteur, mais un peu plus loin, à Elliston, le sentier Puffin Rock Trail d’à peine 1 km aller-retour, permet de rejoindre le bord de la falaise pour observer de près les macareux moines.
KM 137
De retour à Saint-John’s, une dernière petite randonnée de plus de 3 km, le sentier North Head Trail. Ce sentier longe l'océan Atlantique et aboutit au lieu historique national de Signal Hill, attrait le plus populaire de Saint-John's. À partir de là, une vue panoramique de la ville qui en fait un excellent endroit pour profiter des levers et des couchers de soleil.
Plusieurs autres attractions méritent de s’y attarder dont voici mon top 3 :
1. Cape Spear
À seulement une vingtaine de minute de Saint-John's, Cape Spear est le point le plus à l'Est de Terre-Neuve et également celui le plus à l'Est de toute l'Amérique de Nord. Les vagues de l'Océan Atlantique viennent se fracasser sur les rochers et manifester toute leur puissance.
2. Petty Harbour – Maddox Cove
Au retour, ce petit village de moins de 1 000 habitants vaut le détour. Les pêcheurs reviennent du large avec leur bateau rempli de morues. Arrivés au quai, ils apprêtent sur-le-champ les poissons qui seront destinés à la consommation.
3. Jelly Bean Row Houses
Ce voyage se termine en arpentant les rues à pied pour admirer les maisons en rangées toutes plus colorées les unes que les autres. Lorsque les Terre-Neuviens rentraient au port, ils souhaitaient reconnaître leurs maisons à travers l'épais brouillard, alors ils les peignaient de couleurs vives.
KM 141
Quelle sera la prochaine destination?
Des indices… Citron, basilic et pizza!
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